Le célèbre économiste Adam Smith vers 1776, un prédécesseur du non moins célèbre David Ricardo, postulait que la valeur réelle de tout ce qui est produit par l’homme pouvait être calculée selon le travail nécessaire à sa production. Depuis ce temps, aucun économiste n’a nié ce fait indiscutable, le travail humain est à la base de toute valeur. Voici ce qu’il écrivait :
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Le travail est la monnaie originaire au moyen de laquelle on se procure toutes choses, et que celui qui désire légalement posséder un produit mis en vente est obligé de céder en échange une quantité de travail équivalente à celle qu’il a fallu pour établir ce produit.
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Comme tous les économistes, le théoricien communiste Karl Marx ne pouvait nier cette évidence frappante et l’a mentionné à de très nombreuses reprises dans plusieurs de ses oeuvres dont « Travail salarié et capital », « Manuscrits de 1844 », « Le Capital », « Contribution à la critique de l’économie politique » et « Théories sur la plus-value ». En fait, la plupart de ses théories sont relatives au travail et son exploitation capitaliste, elles sont essentiellement de nature économique et non politique tout comme le communisme. Le système politique n’est accessoirement que le moyen d’arriver aux fins économiques de ceux détenant le pouvoir.
Dans mon article précédent, j’ai mentionné le socialiste utopique Alfred Louis Darimon qui fut le secrétaire de Pierre-Joseph Proudhon, un des pères de l’anarchisme. Karl Marx fut impressionné et influencé par le premier ouvrage majeur de Proudhon « Qu’est-ce que la propriété ? » publié en 1840. Mais par la suite, leurs voies se sont séparées et Marx l’a ouvertement critiqué, la critique acerbe de son prochain était d’ailleurs un de ses passe-temps favoris …
Photographie par Brandy Bingham
Alfred Louis Darimon publia en 1856 son livre intitulé de la Réforme de Banques. À cette époque, la monnaie était encore basée sur d’immenses réserves d’or entreposées dans les coffres des banques. C’est une pratique injuste ayant cessée peu après la première guerre mondiale dans la plupart des pays, leurs monnaies devinrent alors indexées sur le dollar américain qui était encore basé sur l’étalon or mais qui ne l’est plus depuis 1976, suite aux accords de la Jamaïque.
Darimon y parlait des nombreuses réformes aux « banques de circulation » proposées à l’époque, les banques de compensation, régulatrices des valeurs, de crédit direct, d’échange, d’assurances, la banque rationnelle et celle du peuple. Dans l’appendice, au chapitre V intitulé « de la réforme monétaire », il y parle de la logique d’une monnaie basée sur le temps de travail, sur « l’étalon travail ». Vous trouverez le texte où il en est fait mention aux pages 198 à 200 (223 à 225 du fichier pdf).
J’ai également mentionné dans cet article l’excellent blog Monétaire de Jacques Brethé qui offre aux lecteurs une étude approfondie de la réforme monétaire qu’il propose. Ses idées à ce sujet rejoignent les miennes dans une très large mesure. Son article Valeur de l’unité de monnaie me plait particulièrement car il y propose tout comme Darimon et moi-même de baser la valeur de l’unité de la monnaie sur le temps de travail, précisément sur une heure de travail. Il a baptisé cette monnaie le « Deutère », je crois que c’est en honneur d’un personnage historique ayant vécu au moyen-âge.
C’est un nom charmant mais très nationaliste, j’ai pensé appeler cette monnaie basée sur le temps de travail « Unité Universelle » ou « Universal Unit » en anglais. Elle pourrait être utilisée dans tous les pays et désignée par son abréviation le « UU », prononcée « youyou » en anglais. Cette abréviation convient également à un grand nombre d’autres langues : « Unidad Universal » en espagnol, « Unidade Universal » en portugais et galicien, « Unità Universale » en italien, « Unitat universal » en catalan, « Unità Universali » en maltais, « Universal Unitatea » en basque, « Unitatea Universal » en roumain, « Uned Universal » en gallois, puis finalement, « Universala Unueco » en espérato et « Unit Universalem » en latin.
J’ai aussi découvert tout récemment le site Trazibule qui comporte de nombreux textes très brillants et élaborés sur les questions de réformes monétaires, en particulier la monnaie « temps de travail », un site à voir absolument. On y donne également le lien du texte PDF téléchargeable de 66 pages Le pain et la monnaie de Pierre Persat écrit au début des années ’80 qui est selon moi une oeuvre littéraire incontournable sur l’économie et la politique.
À partir de maintenant et dans tous mes prochains articles, j’appellerai donc tout simplement cette unité monétaire universelle dont la valeur équivaut au salaire de base d’une heure de travail le « UU ».
La composante profit dans la valeur des marchandises
Comme l’ont expliqué de long en large Karl Marx et Friedrich Engels ainsi que de très nombreux autres auteurs communistes, dans le système capitaliste, il y a toujours une plus ou moins grande partie du prix de vente des biens de consommations produits par les travailleurs et travailleuses qui ne correspond pas au travail qu’ils renferment mais au profit destiné aux propriétaires des entreprises, la fameuse « plus-value ». C’est ainsi que les capitalistes ont pu accumuler leurs immenses fortunes depuis des centaines d’années.
Chaque transaction monétaire d’une durée variable est constituée d’un cycle d’échange de marchandise contre de l’argent par le vendeur coïncidant avec un échange d’argent contre de la marchandise par l’acheteur, c’est pendant ce cycle que la plus-value est empochée. Le roulement de l’économie s’effectue grâce à des milliards de ces cycles se produisant asynchroniquement en série et en parallèle, à chacun de ces cycles, une partie l’argent échangée contre de la marchandise par l’acheteur constitue le profit du vendeur.
Certains biens de consommations sont composés d’une multitude d’éléments issus d’une longue chaîne de transformations, comme une automobile par exemple. La valeur de chacune de ses milliers de pièces contient une grande part de profits à chaque étape de leur fabrication, de la mine où est extrait le minerai de fer, à la fonderie qui en fait des alliages d’acier sous diverses formes, chez le fabriquant d’engrenages qui usine cet acier, chez le fabricant de transmissions qui assemble ces engrenages et les centaines d’autres pièces qui les composent, chez les fabricants de tous les autres composants, à l’usine d’assemblage de l’automobile qui met tout ça ensemble et finalement chez le concessionnaire automobile qui est le dernier de la chaîne à se graisser la patte.
Mais ce n’est pas tout, les transporteurs de toutes ces marchandises entre chacune de ces étapes font aussi un profit, également les entreprises qui fournissent toute l’énergie nécessaire pour fabriquer tout ça, les banques leur prêtant de l’argent avec intérêt et les rentiers qui en profitent grâce à leurs placements, les propriétaires terriens qui ont vendu avec un immense profit les terrains où sont construites toutes ces usines, les constructeurs de leurs bâtiments et les producteurs de tous les matériaux qui les composent, les fabricants de toutes les machines utilisées et de toutes les pièces qui les composent, les compagnies d’assurances qui assurent tout les capitaux ainsi investis, la liste des profiteurs est pratiquement infinie.
Ce à quoi je veux en venir, si il n’y avait que les salaires des ouvriers et ouvrières comptabilisés dans la valeur de tout ce qui est produit et non les milliards de dollars en profits empochés par les capitalistes chaque année, les automobiles ne coûteraient qu’un petite fraction de leur coût actuel. Vous ne paieriez pas 15000$ pour en acheter une neuve mais peut-être moins de 5000$ et encore, ce serait la même chose pour les résidences privées, elles coûteraient infiniment moins cher qu’actuellement tout comme n’importe quels biens de consommation vendus sans leurs composantes profits car leur valeur ne dépendrait plus de l’offre et la demande du marché mais seulement des matériaux qui les composent et les salaires de la main-d’oeuvre nécessaire à leur construction.
Mais tout le monde sait bien que les entreprises ne réussissent pas toutes à faire des profits, dans les faits, certaines essuient même de lourdes pertes et doivent déclarer faillite. Un grand nombre d’entrepreneurs réussissent tout juste à générer des revenus suffisants pour payer les salaires de leurs employés et leur propre salaire qui n’est pas plus élevé. Ils ne pourraient être blâmés dans un monde communiste de s’enrichir en profitant du travail de leur employés car il ne font pas de profits … Ceci en ferait des entreprises privées exemplaires dont la seule façon de prospérer serait l’investissement des économies de leur propriétaires qui sont eux-mêmes salariés de leur propre entreprise.
Les entreprises qui sont particulièrement à blâmer pour leurs profits indécents sont les plus grandes, les pétrolières arrivent en tête de liste, les fabricants d’automobiles, les grands magasins et les grandes chaînes de restaurants de « fast food », les compagnies pharmaceutiques et les banques, etc. Pour vous donner une idée de l’ampleur des profits totaux dans le monde, les 16 plus grandes corporations de la planète ont fait des profits de 420 milliards $US en 2011, c’est comme ça chaque année. Jetez donc un coup d’oeil sur les listes suivantes, les cheveux vont vous dresser sur la tête :
Liste des plus grands profits et des plus grandes pertes
Liste des plus grandes entreprises par revenus
Valeur des plus grandes entreprises sur le marché
Liste des plus grands employeurs
Dites vous bien que ce n’est que l’infime pointe du Iceberg, je n’ai mentionné les profits que des 16 plus grandes corporations au monde en 2011 mais il existe des centaines de milliers de grandes entreprises qui font des profits mirobolants en exploitant la force de travail de leurs salariés, surtout dans les pays en voie de développement comme la Chine, l’Inde, le Pakistan et le Mexique. Il existe également des centaines de millions d’entrepreneurs capitalistes dans tous les pays qui se remplissent les poches à l’excès grâce à l’exploitation des classes dominées. Je ne peux vous dire à combien est évalué la totalité des profits annuels dans le monde, de la plus-value payée par les salariés et consommateurs, mais ça va sûrement chercher dans les dizaines de milliers de milliards de dollars … C’est un véritable carnage financier organisé par les classes dominantes, une éternelle orgie d’enrichissement de profiteurs !
C’est le but du communisme de combattre l’accumulation capitaliste par des intérêts privés et l’exploitation de l’immense masse des travailleurs et consommateurs pour enrichir à peine 1% de la population mondiale. Dans un monde communiste idéal, les salaires et les prix des biens de consommation n’augmenteraient jamais car il n’y aurait pas d’inflation causé par la spéculation, le profit et les intérêts. Un des buts de la création d’une monnaie basée sur le temps de travail est que la visibilité d’une composante profit excessive dans le prix d’une marchandise deviendrait très évidente, elle sauterait aux yeux des consommateurs.
La composante travail dans la valeur des marchandises
C’est bien simple, cette composante est tout ce qui reste si on enlève les profits de ceux qui vivent en exploitant leur prochain. Si toutes les marchandises étaient exemptes de leur composante profit totale et que leur valeur n’équivaudrait qu’aux salaires des travailleurs et travailleuses qui les produisent, le pouvoir d’achat de la très grande majorité de la population serait infiniment plus grand. Les classes dominantes qui s’interposent dans tous les échanges commerciaux pour s’enrichir sans travailler pour produire sont donc des nuisances, ils ne sont d’aucune utilité dans la société, ils ne font que profiter du travail des autres.
J’ai déjà mentionné dans ce blog qu’il y a encore à peine quelques dizaines d’années, tous devaient travailler au moins 40 heures par semaine afin de réussir à produire tous les biens de consommation nécessaires à la population car la technologie et l’automatisation n’était pas encore assez développées pour que la machine accomplisse une grande part des tâches liées à la production à la place des humains. Il y a plus de 100 ans, c’était encore bien pire, tous les hommes, femmes et même les enfants devaient travailler souvent plus de 70 heures par semaine pour réussir à produire le minimum vital au maintien de la société car l’électricité n’existait pas encore et la machine en était encore à ses balbutiements. La majorité des gens étaient affectés à l’agriculture, aidé dans leurs pénibles tâches par les boeufs et les chevaux. Cependant, il faut dire que c’est encore comme ça dans les pays les plus pauvres qui n’ont encore que des moyens primitifs et archaïques de production agricole et manufacturière.
Mais dans nos pays riches, ceux dont les habitants sont assez fortunés pour se payer un ordinateur et accéder au réseau Internet pour lire ce blog, la situation est tout à fait différente. La totalité des heures de travail qui composent les biens essentiels que nous consommons en une semaine est nettement inférieure à celles d’une semaine normale de 35 ou 40 heures de travail. Évidement, une grande partie de ces biens sont produits par les pauvres salariés des pays en voie de développement pour une maigre fraction de nos salaires, ils sont en quelque sorte nos esclaves collectifs, mais c’est une situation qui ne pourra durer éternellement et c’est d’ailleurs en quoi consiste toute l’injustice de la mondialisation des marchés.
Cependant, les faits prouvent que globalement, les humains sont aujourd’hui capables de produire beaucoup plus que ce qu’ils consomment car malgré qu’il y ait des centaines de millions de chômeurs forcés dans le monde et de personnes ne travaillant pas par choix. L’immense majorité ont quand même un toit sur la tête pour s’abriter, des vêtements pour s’habiller et de la nourriture pour ne pas crever de faim. Si tous les adultes capable de travailler dans le monde avaient un emploi à temps plein, jusqu’à l’âge qu’ils le désirent, il n’y aurait certainement qu’une assez faible partie de ces emplois reliés à la production des biens de consommation de base pour l’humanité entière. D’ailleurs, la productivité des pays industrialisés augmente en flèche depuis les années ’50 grâce à la technologie et l’automatisation, le jour n’est pas loin où les robots pourront effectuer la plupart des tâches à la place des humains, un sujet sur lequel je reviendrai assurément. Les autres emplois ne pourrait alors qu’être reliés aux services, aux arts et loisirs ainsi qu’à l’amélioration de notre environnement collectif.
Vous devez bien comprendre que par marchandise, j’entend toute chose qui se vend ou se loue, le travail humain est aussi une marchandise, celle que les travailleurs et travailleuses fournissent à leurs employeurs en échange d’un salaire. Même l’argent est une marchandise, l’emprunter avec l’obligation de la remettre en plus des intérêts encourus équivaut à sa location, selon les lois, les animaux également sont considérés comme des « choses ». Seuls les êtres humains ne sont plus considérés « officiellement » comme de la marchandise que l’on peut vendre et acheter depuis l’abolition de l’esclavage et du servage. Les terrains que les capitalistes achètent pour les revendre plus tard avec profit sont aussi pour eux des marchandises et ces propriétés privées sont spécialement protégées par les lois bourgeoises, sauf que dans un monde communiste, la propriété foncière ne devrait pas exister car comme les êtres humains, la terre ne devrait pas être une marchandise, c’est le bien collectif de tout ceux qui l’habitent, notre bien le plus précieux.
Source : pimentrougeharnesien.wordpress.com
Le UU en tant que salaire de base
Jusqu’à maintenant, je n’ai parlé que du temps de travail composant toutes marchandises, rien ne s’oppose à ce que la valeur de celles-ci soit évaluée en une monnaie basée sur le temps de travail, sur l’étalon travail comme l’appelait Alfred Louis Darimon. Une unité idéalement équivalente à une heure de travail, c’est ce qui serait le plus pratique. Rien ne s’oppose non plus à ce que le salaire horaire de travailleurs et travailleuses produisant ces marchandises soit aussi égal à cette unité, soit un UU par heure travaillée. C’est donc tout naturel que les salariés puissent acheter les biens qu’ils consomment en se servant de l’unité monétaire avec laquelle ils sont payés.
Pour des raisons pratiques, des billets de banques de un, cinq, dix, vingt et cent UU pourrait êtres mis en circulation ainsi que des pièces métalliques de un, cinq, dix et vingt-cinq centimes pourraient être frappées. Les prix des biens de consommations pourraient même être indiqués en millièmes pour plus de précision mais arrondis au centimes près au moment de passer à la caisse … Je sais que ce serait un peu compliqué pour ceux qui ne connaissent pas bien les fractions décimales mais justement, ça les aiderait sûrement à apprendre à compter.
Le UU serait le salaire universel de base et l’unité de compte par excellence, car l’étalon travail est la référence la plus logique qui soit, dans tous les pays du monde, une heure de travail est une heure de travail pour tous, peu importe la nationalité, le niveau d’instruction et les capacités physiques ou intellectuelles. Il n’y a aucunes raisons vraiment justifiables pour que le travail d’un humain vaille plus que celui d’un autre, qu’il habite au Liechtenstein ou au Congo.
Les salaires de base pourraient ainsi être égaux partout dans le monde tout comme les prix des biens de consommations, lorsque bien sûr ils ont été produits dans des conditions identiques. Il est bien évident que les prix dépendent aussi des moyens de production utilisés, un objet fabriqué à la main artisanalement en une heure risque de coûter beaucoup plus cher que si il est fabriqué par une machine automatique ultra-sophistiquée qui en fabrique mille à l’heure. Les caprices de la nature, la position géographique de la production et les ressources énergétiques disponibles sont aussi à considérer, on ne peut produire efficacement n’importe quoi n’importe où.
Qu’une telle monnaie basée sur l’étalon travail soit utilisée partout dans le monde serait évidemment un idéal car ce serait la fin des disparités monétaires entre les pays et une forte entrave à l’inflation qui dans le monde capitaliste est le moteur de l’enrichissement des plus riches au détriment des plus pauvres. C’est ce que les bourgeois appellent bêtement « la croissance économique » et que moi j’appelle « l’élargissement du fossé entre les riches et les pauvres » … Mais inutile de rêver, malgré que ce ne soit pas une utopie, l’utilisation d’une telle monnaie à l’échelle mondiale n’est pas pour demain, elle pourrait par contre être utilisée dès maintenant sur le territoire des pays qui le désirent.
Un tel étalon monétaire à l’heure actuelle pourrait difficilement servir à la monnaie conventionnelle d’un pays à cause du système de changes flottants, mais il pourrait très bien être utilisé à l’interne, pour une monnaie secondaire convertible uniquement sur leur territoire. Une monnaie interne créée au besoin par l’Etat pourrait évidement équivaloir à sa monnaie convertible internationalement mais elle aurait alors les mêmes grands défauts. Il vaudrait donc mieux que les valeurs des deux monnaies ne soient pas liées fixement et que le taux de change entre les deux soit ajusté en conséquence selon les critères établis, des critères uniquement salariaux contrairement aux taux de changes flottants entre les devises des différents pays qui sont basés uniquement sur les vagues aléas du marché, sur l’offre et la demande.
Également, une monnaie créée au besoin par l’État ne pourra jamais servir au commerce international entre les pays, même dans l’éventualité où une seule monnaie universelle soit utilisée partout dans le monde, peu importe qu’elle soit basée sur l’étalon travail ou non. Tant qu’il existera des pays souverains chacun responsables de l’économie de leur territoire, ce sera impossible, il faudrait que la terre entière devienne un seul grand pays géré par un gouvernement mondial, mais c’est là une réelle utopie car chaque peuple a toujours tenu mordicus à gérer ses propres affaires. La tendance actuelle n’est pas à la fusion des pays mais plutôt à leur subdivision en plus petits pays.
Les différents salaires horaires
J’arrive maintenant à l’épineuse question des inévitables différences salariales. J’y reviendrai à maintes reprises dans mes futurs articles mais je ne pourrais conclure celui-ci sans aborder ce sujet primordial. Vous avez constaté que je parle depuis le début de cet article du salaire de base, ce salaire serait également considéré comme le salaire horaire minimum des salariés de l’État mais il serait égal au salaire horaire moyen des salariés des entreprises privées. Un tel salaire doit permettre à toute personne de vivre très confortablement et d’acquérir facilement un véhicule neuf et une résidence privée. Il doit permettre en plus à toute personne qui le désire d’économiser une bonne part de ses revenus et s’enrichir, ce serait la moindre des choses que tout ceux et celles qui travaillent avec ardeur puissent avoir une telle qualité de vie, peu importe le métier ou la profession qu’ils exercent et où ils habitent dans le monde.
Ce salaire de base serait celui versé à tous les salariés des entreprises de l’État, qu’ils œuvrent dans la production ou les services, ce qui inclus tous les services gouvernementaux. C’est donc ce salaire que recevraient ceux et celles qui débutent et qui n’ont pas encore d’expérience et que cette condition ne leur permette que de fournir une certaine quantité de travail, de produire une certaine quantité et qualité de marchandises ou services.
Par contre, il n’y a pas de raisons pour que le salaire de ceux et celles dont l’expérience et les qualifications acquises leur permettent de fournir plus de travail que les débutants et les moins compétents ne soit plus élevé … Si une personne qualifiée est effectue deux fois plus de travail qu’une personne sans expérience, il n’y a pas de raisons que son salaire soit deux fois plus élevé puisqu’elle travaille comme deux … La valeur de la composante travail dans la valeur de ce qu’elle produit ne sera pas plus grande et son prix de vente n’en sera pas altéré, le travail sera simplement fait plus rapidement.
Tout est relatif, c’est le travail fourni dans un certain laps de temps qui compte, ce qu’on appelle la productivité, pas les connaissances, l’expérience et l’instruction. Certaines personnes sont bardées de diplômes mais sont totalement incompétentes et le resteront toute leur vie, d’autres qui malgré leur longue expérience ne fournissent pas plus de travail qu’un débutant, souvent par simple paresse. Il n’y a pas de raisons pour que ces personnes aient un salaire plus élevé que celui de base, à travail ordinaire, salaire ordinaire …
Dans les sociétés capitalistes, certains métiers et certaines professions sont mieux payés que d’autres, c’est en réalité une grande injustice car ce sont souvent ceux qui travaillent le plus qui ont les plus bas salaires et vice versa. Un médecin par exemple travaille bien moins fort qu’un manutentionnaire qui empile des poches de ciments de 34 kilos toute la journée dans des conditions pénibles au salaire minimum. Le médecin a fait de longues études mais son travail n’est généralement pas très compliqué et stressant, ni physiquement éprouvant, pourtant son salaire est plus de dix fois élevé. Selon moi, ils devraient avoir tous les deux le même salaire, comme à Cuba …
Les humains ne sont pas tous nés avec les même capacités physiques et intellectuelles, il y en a qui sont très intelligents, grands, forts et en santé, tant mieux pour eux … Il y en a d’autres à l’opposé qui ne sont pas très malins, petits, faibles, maladifs ou qui souffrent d’une quelconque infirmité, ils ne sont pas chanceux. Cependant, il existe des tâches à accomplir dans la société pour tous ces gens, celles qui sont plus compliqués conviennent aux plus intelligents, celles qui demandent une grande force physique conviennent aux plus forts mais la majorité des tâches conviennent à presque n’importe qui, particulièrement dans la production.
Comme l’écrivait Karl Marx, « À chacun selon ses capacités et ses besoins » … Les capacités physiques et intellectuelles ne devraient pas être un critère salarial qui fait que les moins intelligents et les plus faibles soient les plus opprimés de la société, condamnés à la pauvreté pour leur entière existence. L’intelligence du médecin que je citais plus haut en exemple lui a permis de faire les études nécessaires à sa profession qui est relativement agréable, mais il ne voudrait jamais prendre la place du manutentionnaire qui travaille comme un esclave à la sueur de son front toute la journée, même si c’était pour le même salaire. Le manutentionnaire qui n’a probablement pas les capacités intellectuelles du médecin pour faire les études qu’a fait ce dernier ou qui n’en a pas eu la chance ne pourrait évidement pas prendre sa place et doit se contenter du travail qu’il est en mesure d’effectuer. C’est un travail physiquement difficile mais pas compliqué et qui n’est pas nécessairement désagréable pour un gaillard bien costaud, mais dans un monde juste, il devrait recevoir le même salaire horaire que le médecin.
Et comme je le mentionnais ci-haut, si ce médecin ou ce manutentionnaire sont très vaillants et travaillent pour deux, ils devraient recevoir le double du salaire que gagnent ceux qui préfèrent se la couler douce ou qui s’ont incapable de fournir plus de travail que la moyenne n’en fournissent. Pour ceux qui sont vraiment feignants ou incompétents malgré eux, il existe quand même de nombreuses tâches faciles ou relaxantes pouvant leur convenir, des tâches malgré tout utiles et nécessaires qui doivent aussi être payées au salaire de base universel.
Afin de pallier aux effets de la grande dépression qui mine l’économie de leur pays, les Grecs ont mis sur pied des systèmes de troc, ces systèmes leur permettent d’échanger marchandises contre marchandises, travail contre marchandises ou travail contre travail. Tout ce fait sur une base totalement égalitaire, une heure du travail d’un médecin s’échange contre une heure du travail de n’importe quel autre travailleur ou travailleuse, peu importe leur métier ou profession. À temps de travail égal, salaire égal, pour une productivité normale ou moyenne, bien entendu.
Ces expériences ne sont pas limitées qu’à la Grèce, des monnaies de troc ont déjà existé dans de nombreux pays, spécialement en temps de crise, comme en Russie il y a un certain temps. Des monnaies de troc locales apparaissent actuellement un peu partout dans le monde, notamment dans plusieurs régions de France comme le mentionne l’article : Pays basque : une monnaie locale pour un changement global.
Ces monnaies ne sont pas basées sur l’étalon travail pour des raisons pratiques mais pourraient très bien l’être car leurs buts sont très semblables, redonner à la monnaie sa fonction originale, le troc du travail contre le travail, du travail contre les marchandises et des marchandises contre les marchandises. Une monnaie démystifiée, sans tricherie ni exploitation, avec laquelle il deviendrait très difficile de spéculer pour s’enrichir grâce au levier de l’inflation …
Les incitatifs professionnels sociaux
L’égalité salariale pour les métiers et professions ainsi que la majoration du salaire au mérite selon la productivité a cependant un sérieux inconvénient. Il y aura toujours des tâches à effectuer ou certains métiers qui n’ont que peu ou pas d’attrait pour la population laborieuse mais qui sont néanmoins essentiels au bon fonctionnement de l’économie et la société. Pour une multitude de raisons, il y aura nécessairement une pénurie de main-d’oeuvre pour combler certains postes, soit par exemple que la satisfaction qu’ils procurent ne soit pas à la hauteur de la formation requise ou que les tâches inhérentes soient très pénibles, dangereuses, abrutissantes, dégoûtantes ou même dégradantes. On dit qu’il n’y a pas de sots métiers mais il y en a qui ne sont vraiment pas très populaires, surtout si le choix est vaste et qu’ils sont tous payés au même salaire de base.
Dans les circonstances, le seul moyen de pallier à cet inconvénient majeur est d’inciter monétairement les gens à combler ces postes dédaignés par la grande majorité. La pénuries de main-d’oeuvre dans certains secteurs est cependant un problème de société et non un problème structurel de production car normalement, la main-d’oeuvre requise devrait toujours être disponible. Ces incitatifs monétaires ne devraient donc pas prendre la forme d’un salaire supérieur et comptabilisés dans la valeur des biens produits mais payés par l’ensemble de la société, donc par l’État collectif. Évidement, ces incitatifs ne serait versés qu’aux salariés des entreprises de l’État qui sont tous payés au même salaire de base de un UU par heure et non aux salariés des entreprises privées, ces dernières devront s’arranger avec leurs problèmes de capitalistes …
J’ai déjà mentionné que dans mon « système communiste idéal », un revenu de base serait versé à tous par l’État, il remplacerait avantageusement tous les filets sociaux qui sont de toutes façons déjà existant. Ces incitatifs complémentaires au salaire de base des employés(es) de l’État prendraient donc la forme d’un supplément à ce revenu de base, selon le nombre d’heures travaillées.
Afin d’inciter les futurs travailleurs et travailleuses à étudier dans les domaines où il y a pénurie de main-d’oeuvre, les étudiants et étudiantes recevraient aussi un supplément incitatif à leur revenu de base. Ce supplément s’ajouterait à celui qu’ils recevraient déjà à cause de leur statut d’étudiant car l’instruction est une grande richesse dans la société et étudier est aussi un travail utile qui doit être payé par la collectivité. Malgré que dans le système néo-communiste que je propose, l’instruction serait gratuite jusqu’aux plus hauts niveaux universitaires, ceux et celles qui étudient ont quand même des frais à assumer, notamment pour leur matériel scolaire et leur transport, également des coûts d’hébergement lorsqu’ils doivent habiter temporairement près de l’institution scolaire qu’il fréquentent et loin de leur lieu de résidence permanent.
Je consacrerai éventuellement au moins un article au sujet de l’instruction publique gratuite sur laquelle j’ai beaucoup à dire. Pour empêcher les futurs professionnels de profiter de ce système gratuit et ensuite aller travailler à salaire élevé pour les entreprises privées, il suffit tout simplement de les forcer à travailler un certain temps pour les entreprises de l’État à la fin de leurs études, plus ou moins longtemps selon leur métier ou profession.
Les alternatives sociales
Comme je l’ai déjà mentionné, la vraie liberté implique d’avoir le choix entre travailler comme salarié pour l’État ou pour une entreprise privée, également en tant qu’entrepreneur et même tout ça à la fois. Il ne serait pas rare de voir une personne travailler un certain nombre d’heures par semaine pour une entreprise de l’État, quelques heures au service d’une entreprise privée et en exploiter une à temps partiel pour son propre compte. Certaines personnes détestent travailler et d’autres sont de véritables bourreaux de travail, c’est définitivement un choix de vie.
Pour ceux et celles qui croient que leur travail mérite un plus haut salaire que celui de base versé par les entreprises de l’État, il y aura toujours l’alternative de travailler uniquement pour une entreprise privée, personne ne les obligera à œuvrer comme salarié de l’État. Ceci vaut également pour les étudiants, ceux ne désirant pas se soumettre à l’obligation de travailler un certain temps pour l’État à la fin de leurs études n’auront qu’à faire leurs études dans les collèges et universités privés et payer les frais scolaires exorbitants de ces institutions.
Les salaires et prestations de l’État seraient tous payés en UU mais les entreprises privées pourront payer leurs salariés et vendre leurs produits et services en monnaie conventionnelles mais également en UU si ils le désirent. Les entreprises privées auraient tout intérêt à accepter les transactions avec les deux monnaies si elles désirent pouvoir vendre leur camelote à tout le monde.
Comme je l’ai déjà mentionné, mon système communiste consiste à offrir aux travailleurs toutes les alternatives, le travail créé au besoin par les entreprises de l’État qui bénéficieraient d’un financement illimité pour leurs activités ou celui pour des entreprises privées qui dépend des conditions économiques du marché, de l’offre et la demande. Les bourgeois pourraient librement conserver leurs institutions capitalistes, comme leurs banques et leurs écoles, mais ne pourraient plus exploiter le peuple et les travailleurs car ces derniers auraient leurs propres institutions communistes, les mettant à l’abri des comportements malicieux et excès de ces bourgeois.
On pourrait considérer un tel système comme un hybride capitaliste/communiste, une société dans laquelle ces deux idéologies totalement opposées et contradictoires pourraient coexister harmonieusement en parallèle et se compléter, chacune palliant aux déficiences de l’autre. On ne pourrait alors plus parler des « classes dirigeantes » car elles ne dirigeraient plus rien d’autre que les institutions que le peuple ayant tous les pouvoirs grâce à la démocratie directe leur a autorisé à conserver. Je vous parlerai dans mon prochain article du nécessaire double système monétaire et des exigences de la dialectique que ni le capitalisme, ni le communisme dans leurs formes traditionnelles n’ont respecté, ce qui ne peut que conduire inévitablement à l’échec de ces deux systèmes déséquilibrés.
Alain Poitras – Activiste néocommuniste